#StopSécuritéGlobale / A Paris, la fin de la “trêve des confiseurs”

Premiers flocons; première manifestation à Paris. ©LaMeute - Smoke

Premiers flocons; première manifestation à Paris. ©LaMeute - Smoke

Une dizaine de milliers de personnes ont repris ce samedi les rues parisiennes, afin de réaffirmer leur désaccord avec les politiques sécuritaires menées par le gouvernement en crise. Avec en trame de fond le total abandon du monde de la Culture, et alors que le couvre-feu est ramené à 18h, le retour des “Marches des libertés” annonce la couleur de 2021. Reportage.

Ce furent les premiers flocons de l’année à Paris. Ce fut également la première manifestation unitaire de 2021. Sur la petite place Félix Eboué, à deux pas de Nation, on reconnaît certains visages de Gilets Jaunes que l’on avait vus deux ans plus tôt sur cette même place. Aux Gilets Jaunes se mêlaient teuffeurs et teuffeuses, syndiqué-es, militant-es des quartiers populaires et journalistes mobilisé-es contre la loi de Sécurité Globale

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La neige force toujours l’ambiance joviale. Et effectivement, l’intérieur du cortège était animé d’une énergie festive. Ponctué de batailles de boules de neiges et réchauffé par la chanson Freed from Desire, il contrastait nettement avec le traitement réservé aux Sound Systems, ostracisés loin des regards.

Sans pouvoir encore déchiffrer l’exact manège préfectoral qui s’est joué, il apparaît néanmoins que face à la mobilisation en soutien aux inculpé-es de Lieuron, et contre la répression du mouvement Free part, Didier Lallement et Gérald Darmanin ont répondu par une répression toujours plus féroce, toujours plus aveugle, et toujours plus absurde.

Bloqués à l’entrée de la place Daumesnil, les camions sonorisés sont rapidement parqués sur une avenue adjacente, et assiégés par la police. La foule qui les accompagne est quant à elle méthodiquement “escortée” vers la place, à pied -selon un communiqué collectif. La Préfecture se vante alors sur Twitter d’avoir empêché la tenue d’une rave-party, avec les félicitations du Ministre de l’Intérieur. C’est mensonger et mesquin : c’est tristement habituel.

Pour celles et ceux qui seront resté-es, la situation empirera : après une charge dont nous n’avons pas pu être témoins, les camions et le matériel sont saisis, et les conducteurs-ices interpellé-es pour “agression sonore”. Les auditions sont prévues pour ce lundi.

En plus des habituels cortèges syndicaux, il a fallu compter sur la présence de nombreuses personnes issues des mondes des arts et de la Culture, fortement impactés, tant par la crise du COVID que par la gestion, tantôt floue, toujours arbitraire, de celle-ci par le gouvernement. Tandis qu’en Italie, des salles de spectacles et des restaurants réouvrent peu à peu en résistance à des mesures similaires, la situation continue de s’enliser de ce côté des Alpes. 

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Aux revendications contre le projet de loi sécurité globale -son retrait total faut-il le rappeler- il faut ajouter les protestations à l’encontre de la décision du Conseil d’Etat du 4 janvier dernier. Suite à une action en justice visant des décrets parus en décembre 2020, le Conseil a estimé que ficher les opinions politiques, religieuses ou syndicales ne constituait pas une atteinte excessive à la liberté d’opinion. Les forces de l’ordre se voient donc autoriser le fichage étendu aux convictions personnelles. 

Il apparaît possible, suite à cette décision, d’affirmer que si le projet de loi sécurité globale n’est pas arrêté par la contestation populaire, il ne rencontrera sans doute pas grande opposition du côté des instances juridiques. Malgré tout, un doute plane encore. En effet, le Conseil d’Etat (encore lui) a interdit à la préfecture de police de Paris de faire usage de drones lors des manifestations (décision du 22 décembre 2020), jugeant qu’il y avait là une atteinte aux libertés individuelles.

La manifestation s’est déroulée dans le calme jusqu’à son terme -Place de la Bastille- où la neige avait tourné en une pluie pénétrante. Tout au long de la marche, les forces de l’ordre avaient adopté un encadrement calqué sur le modèle tant critiqué du 12 décembre; à ceci près qu’aucune charges sur le trajet, au vu et su des objectifs et caméras, ne fut cette fois à rapporter. 

Au contraire, la neige sembla un temps transformer les robocops habituels en quelque chose ressemblant davantage à des humains : le bonnet “POLICE” vissé sur la tête, le bout du nez gelé par la neige, et la bonne humeur qui se fait loi aux premiers flocons de l’année. 

Aussi guillerette fut-elle, ce serait une erreur que de prendre cette manifestation pour un non-événement. Elle intervient dans un contexte bien particulier, où la précarité étudiante et les conditions d’études -dans une France qui s’obstine à faire bosser les jeunes coûte que coûte, en pousse une partie dans la misère, la détresse et le suicide.Toute une partie de la “jeunesse” est en ébullition, profondément choquée par la détresse de cet étudiant de Lyon qui s’est défenestré, un peu plus d’un an après que Anas se soit immolé par le feu, dans la même ville, et dans une détresse similaire. 

Il ne faut pas non plus mettre de côté l’écho qu’a en France la mort d’Ibrahima Barrie suite à son interpellation par la police belge. A l’heure où la précarité augmente dans une crise dont on ne voit pas la fin, les inévitables mouvements sociaux de 2021 devront, quoi qu’il advienne, faire face aux boucliers de la police. 

Pas même deux semaines écoulées, et le ton de 2021 est déjà donné.

©LaMeute - Graine

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MERCI POUR VOTRE LECTURE

La réalisation de ce reportage a nécessité 6 personnes et environ 20h de travail.

- Photos : Jeanne Actu, Graine, Kaveh, Smoke et Tulyppe;

- Texte : Graine, Kaveh et Smoke;

- Relecture et Mise en page : Mes et Smoke.

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