A Beaumont-sur-Oise, la solidarité rend le Père Noël inutile
La crise sociale liée au Covid-19 a fait basculer au moins un million de personnes supplémentaires dans la pauvreté, selon les associations. Malgré les demandes d’aides, la précarité s’installe de plus en plus profondément. Ce 17 janvier 2021, face à l’inaction du gouvernement, dans le quartier de Boyenval à Beaumont-sur-Oise (95), le collectif Justice et Vérité pour Adama a organisé une fois de plus avec de bénévoles locaux.les pour distribuer des denrées alimentaires, des produits d’hygiène, de livres et des jouets.
« Pour de très nombreuses familles, le mois de janvier est le mois le plus difficile. Cette année, cela va être encore pire », annonce Youcef Brakni -téléphone à la main pour capter la préparation à la distribution. Là, sur le chemin du terrain de sport où il y a quelque mois le Festival Adama avait pris place, les stands s’installent : une vingtaine de familles du quartier attendent; les enfants n’ont d’yeux que pour les cartons de jouets qui sortent des camions.
Le soleil est à son zénith, mais peine à faire fondre les derniers tas de neige. Il fait froid mais l’on rit. La distribution commence, le collectif et les bénévoles du quartier attendent au moins une centaine de familles le temps de cette distribution, entre 12h et 15h. Assa Traoré et Youcef Brakni sont impressionné.es par le nombre de produits à distribuer. On trouve sur les tables, des pâtes, du riz, des biscuits, du lait, des pommes de terres, des boîtes de conserve, des protections hygiéniques, des couches et des « kits-santé » constitués de masques, de gel hydroalcoolique, de savon et shampooing. Bien sûr, les enfants brûlent d’impatience devant les montagnes de jouets. « C’est Noël pour tout le monde », glisse Youcef Brakni
Des serviettes hygiéniques distribuées à Boyenval. ©LaMeute - Corto
La force est principalement locale : le quartier a organisé cette distribution de façon autonome. En plus des associations déjà présentes lors de la dernière distribution en mai 2020, deux nouvelles bénévoles ont rejoint l’action collective, Julie et Floraine, venues de Normandie. Elles suivent les actions du collectif Justice et Vérité pour Adama et Assa Traoré depuis le début et voulaient participer à cette distribution. Elles ont apporté avec elles de grands sacs remplis de protections menstruelles. « Quand on participe à des distributions on pense toujours aux pâtes, au riz, mais beaucoup moins aux protections hygiéniques. Il est temps de régler le problème de précarité menstruelle », nous confient-t-elles.
Peu de temps après le début de la distribution, trois gendarmes sortent de leur voiture. Assa Traoré soupire, discute avec Youcef Brakni, les suit du regard. « Ils ne nous laissent jamais tranquille. Il faut toujours qu’ils viennent mettre la pression, même s’iles ne font rien, iels veulent juste rappeler qui contrôle », racontent-iels. De leur côté, les gendarmes observent, passent devant la fresque peinte en hommage à Adama Traoré, tué à la suite d’une interpellation effectuée par leurs collègues, et repartent.
N'en déplaise à ce journaliste de Valeurs Actuelles qui déclarait que "le comité Traoré a grandement contribué à détériorer les conditions de vie des habitants de Beaumont Sur Oise", ces actions solidaires font vivre le quartier, créent le lien social.
Et n'en déplaise à Margaret Thatcher et à ses héritiers qui pensent que "la société, ça n'existe pas, il n'y a que des individus, hommes et femmes, et des familles"*. A Boyenval, on fait société, et plus encore quand l'Etat abandonne les quartiers populaires -ou ne garde du moins qu'un lien de pression policière, de surveillance, de violence.
©LaMeute - Corto
*Propos tenus dans une interview au magazine Woman's Own, en 1987.
MERCI POUR VOTRE LECTURE
La réalisation de ce reportage a nécessité 2 personnes et environ 13h de travail.
- Photos et Texte : Corto;
- Relecture et Mise en page : Mes.
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