Livreurs en lutte de Frichti : les frémissements d’une troisième vague

Septembre: synonyme de rentrée sociale pour les livreurs sans-papiers de Frichti, à Paris le 3 septembre. ©LaMeute -Izpho

Septembre: synonyme de rentrée sociale pour les livreurs sans-papiers de Frichti, à Paris le 3 septembre. ©LaMeute -Izpho

On pourrait s’attendre à une affaire classée. Résolue. Dont on n’entendra sans doute plus parler. Pourtant, les livreurs sans papiers de Frichti - qui luttent pour leur régularisation depuis que leur situation a été dévoilée par plusieurs médias- viennent d’entamer “la troisième vague” de leur mobilisation pour la reconnaissance de leur droit, lors d’une marche qui s’est tenue jeudi 3 septembre.

On s’était pourtant quitté avec le sentiment que Frichti - entreprise de livraison de repas - et la CGT avaient pu trouver un accord sur la question de la régularisation des livreurs sans papiers, radiés de la plateforme, suite au témoignage de Karim paru dans Libération le 1 Juin 2020. Il n’en est rien. Comme le révèle Le Media dans un reportage du 12 août, seule une petite partie des 200 livreurs ont obtenu les conditions d’une éventuelle régularisation en devenant salariés au sein du groupe; les autres devront justifier d’un contrat de travail pour prétendre à la reconnaissance de leur statut. Or, beaucoup présente un bilan financier élevé qui aurait dû mener à la délivrance d’un titre de séjour.

L’organisation face à l'arbitraire

Pendant la période estivale, les actions se sont multipliées. Comme ici, au hub de Boulogne-Billancourt. ©LaMeute -Izpho

Pendant la période estivale, les actions se sont multipliées. Comme ici, au hub de Boulogne-Billancourt. ©LaMeute -Izpho

Lors d’un blocage survenu le 28 juillet, devant le hub [cuisine centrale d’un secteur ou les livreurs récupèrent les commandes clients, NDLR] de Boulogne, de nombreux livreurs ont fait part de leur incompréhension face à la tournure des délibérations, qui ont floué la plupart d’entre eux. Collectivement, ils ont donc décidé de s’organiser en élisant un nombre élargi de porte-paroles, représentant deux groupes : ceux qui ont perçu une indemnité de radiation de l’ordre de 1400 euros et ceux, qui ont automatiquement été mis à l’écart. Maigre lot de consolations pour des personnes sans papiers, sans emploi, qui ont travaillé de manière illégale -parfois sous alias- pendant des durées allant de six mois à de deux ans.

Les nouveaux porte-paroles récemment élus sont décidés à obtenir gain de cause. «On a un bon parcours. On passe par des rues avec une visibilité pour finir à Hôtel de Ville» déclare Jérôme Pimot, cofondateur et coordinateur du Collectif des Livreurs Autonomes de Paris (CLAP), en amont de la marche du 3 septembre. Il l’avait déjà annoncé lors du blocage à Boulogne :

«Il va y avoir une troisième vague. Ce n’est que le début.». 

La première “vague” correspond au début des rassemblements de livreurs suite à la publication de l'article du journal Libération. La seconde, elle, aura tenue de juillet à août, en dépit de la peur des livreurs face aux éventuelles interventions des forces de l’ordre, lors des actions menées aux entrées des hubs parisiens. Bloquer et se réunir, durant l'été, afin d'éviter une désolidarisation suite aux échec des premières négociations. 

Rentrée sociale pour les livreurs sans papiers de Frichti 

Mobilisation -en pleine été- des livreurs Frichti, après que seule une partie d’entre eux ait été régularisée par la firme . ©LaMeute -Izpho

Mobilisation -en pleine été- des livreurs Frichti, après que seule une partie d’entre eux ait été régularisée par la firme . ©LaMeute -Izpho

Pendant le confinement, on travaillait toute la journée avec la peur d’être contrôlé et d’avoir le virus. Mais bon, on n’a pas le choix. Il faut travailler
— un livreur sans-papiers

En cette fin de matinée de septembre, de nouvelles personnes rejoignent le groupe - certains travaillant pour d’autres plateformes de livraison de repas. «Nous avons rejoint les livreurs car nous avons été retiré du planning. On avait entendu parler de ce qu’il se passait sans être inquiété jusqu’au mois d'août», rapporte un manifestant. «On a tout fait. Pendant le confinement, on travaillait toute la journée avec la peur d’être contrôlé et d’avoir le virus. Mais bon, on n’a pas le choix. Il faut travailler. J’ai travaillé pendant deux ans pour eux. Ils savent très bien que nous sommes sans papiers. Ils profitent » poursuit un autre. 

La marche s’élance. Un petit parcours avec des badauds qui, à tous les coins de rue, s’arrêtent, regardent, filment puis continuent leur route. Faire une marche à 11h00 fait sens, si l’on mesure que la potentielle clientèle de Frichti est autour du cortège qui défile banderoles jaunes à la main.

Une demi heure après le départ, le groupe se réunit autour de la fontaine de la place du Châtelet pour se féliciter, et rappeler que ce frémissement est fondateur des actions futures de la troisième vague.

Affaire à suivre.

Izpho - pour ©LaMeute.

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MERCI POUR VOTRE LECTURE

La réalisation de ce reportage a nécessité 3 personnes et plusieurs heures de travail.

- Photos et texte : Izpho pour LaMeute

- Mise en page : Mes

- Relecture : Graine, Mes

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