Gilets Jaunes, Acte 4 - Partie 2/4 : Entre silences et violences

 

La rue de Rivoli est déserte, les commerces sont fermés et barricadés. © LaMeute - Tuff 08/12/18 Paris.

5:30 PARIS VILLE MORTE

 

La veille du quatrième opus des Gilets Jaunes la maire de Paris , Anne Hidalgo, annonce qu’elle collabore avec la préfecture de police d’IDF afin d'empêcher les dégradations qui ont pu “tâcher” le paysage lors de la troisième manifestation des gilets jaunes, le samedi 1er Décembre 2018.

La police montée patrouille autour du Louvre, lieu sensible désigné par la préfecture. © LaMeute - Tuff 08/12/18 Paris

Ainsi, dès 5h30 du matin, 45 stations de métro et de RER sont fermées au public, majoritairement dans l’Ouest parisien ou aux abords de nombreux monuments, autrement dit principalement dans les quartiers riches. Les grands magasins comme les plus petits de la zone concernée sont également fermés pour la journée, barricadés pour certains. Les monuments de la ville, eux, sont fermés aux visites pour la journée. Les conséquences seront multiples. Économiquement parlant, la plupart des magasins profitent de la période de Noël pour faire leur chiffre, et il est déjà sur que ce dispositif va amputer le chiffre d’affaire annuel de beaucoup de commerces. Ensuite, ces quartier n’ont presque jamais été aussi vides. Une atmosphère lourde se profile aux alentours du premier arrondissement, et s’intensifie à mesure que l’on s’approche des Champs, d'où des détonations et pale d'hélicoptère sont entendues. En effet si Hidalgo a pris la décisions de sécuriser Paris, Castaner a décidé de lui faire la guerre.

Le Ministère de l’Intérieur a communiqué sur ses effectifs déployés en France : plus de 8000 membres des forces de l'ordres, sur 86000 dans tout le pays, sont mobilisés dans la capitale. Parmi eux, les Gendarme mobiles comme les CRS, le CSI, la BAC, la Police montée, la BRI ainsi que des maîtres chiens... De Bastille au Champs Élysées, environ 930 personnes sont assignées à des missions de contrôles, fouilles et sécurisation des lieux (Louvre, tour Eiffel, Châtelet, Trocadéro, etc…).

 

SUR LES CHAMPS, L’ESSOUFFLEMENT ?

 

Sur les Champs aux alentours de 10h, il y a bien moins de monde en comparaison avec la semaine dernière. Royalistes et nationalistes semblent s'être levés tôt à en croire leurs drapeaux et symboles affichées , sans que la foule n’y prête une grande attention. L’ultra violence promise par le gouvernement en réponse aux agissement de samedi dernier est redoutée.

Une heure plus tard, les manifestants sont plus nombreux mais ne savent pas vraiment quoi faire : il n'y a pas de trajet, juste une avenue sur laquelle faire des allers-retours. D'un côté comme de l'autre, les Champs sont bloqués par les blindés et les fourgons des gendarmes.

Des tensions apparaissent lorsque CRS et manifestant.e.s se trouve face à face. Pendant trois heures, des points de chauffe naissent et disparaissent le long de l’avenue, coexistent ainsi avec des espaces et des moments de trêves. Au fil des courtes charges, des jets de grenades et des réguliers tirs de LBD, les blessé.e.s s'accumulent.

 

Les alentours de la Madeleine sont confinés par des barrières anti-émeutes de la Gendarmerie Nationale. © LaMeute - Tuff 08/12/18 Paris

Des révoltes itinérantes

 

Quelques dizaines de mètres plus loin, avenue Marceau, une barricade est montée et enflammée. Deux blindés entrent en action, entourés par des Gendarmes Mobiles. Face aux quelques centaines de manifestant.e.s, ils noient l’avenue d’un épais brouillard de lacrymogène. Les émeutier.e.s ont un pas hésitant : le mobilier urbain retiré la veille les laisse à découvert face aux tirs de LBD. Chacune de leurs avancées est rapidement interrompue par une pluie de grenades. Pendant une quinzaine de minutes de va-et-viens très violents, plusieurs personnes sont grièvement blessées, avant que les gendarmes et leurs VBRG ne décident de reculer d’une centaine de mètres. L’accalmie sera de courte durée.

Le reste du quartier est figé. Quelques Gilets Jaunes errent, s'amassent, se séparent. Des odeurs de cramé se font sentir lorsque, dans une rue proche, une émeute enflamme les barricades. Au gré des déambulations, on comprend que cette ambiance est propre à l’ensemble du secteur. La rive droite de l’Ouest Parisien est en fait cadenassée par les forces de l’ordre, et en son sein, les attroupements et affrontements se déplacent d’avenues en avenues. Les rues adjacentes sont elles presque désertes, uniquement peuplées de grappes de Gilets Jaunes errants qui évitent le contact avec les lignes de police qui ratissent le quartier. Alors que la nuit tombe et que la fatigue s’accumule, un nombre croissant de manifestant.e.s s’extrait difficilement d’un Paris nassé.

 

RÉPRESSION RECORD

 

Le Gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens pour éviter de reproduire le scénario de la semaine dernière. L’Arc de triomphe détérioré avait provoqué une telle indignation politique que se rendre « à son chevet » passait avant les manifestant.e.s amputé.e.s d’un membre par les grenades lancées par les troupes de l’Intérieur.

La banalisation de la violence d’État a d’ailleurs atteint un niveau rarement égalé. Plus personne n’est vraiment surpris par des centaines d’interpellations et garde à vue préventives, ni par des charges aux justifications obscures. Les blessures, elles, sont définitivement devenues une routine du maintien de l’ordre.

Il devient d’ailleurs plus courant ces temps-ci de parler de “maintien de l’ordre” que de “rétablissement de l’ordre”. Pourtant, si dans une démocratie l’ordre est naturellement établi par le consensus et le compromis, pourquoi aurait-il besoin, en France, d’être continuellement maintenu par la force ?

© LaMeute