Marche Adama III : cette année, les gendarmes s'en sont mêlés

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La semaine dernière, alors qu’avait lieu la Marche pour Adama III, plusieurs véhicules, dont trois bus mis en place par le Comité pour Adama au départ de Gare du Nord, Ivry et Montreuil, convergeaient vers Beaumont-sur-Oise. Sur la route, plusieur.es manifestant.es ont été surpris.es par un contrôle accru des forces de l’ordre (gendarmes et militaires). Idem pour le bus des Gilets Jaunes de St Nazaire.
Cette vérification découle d’une décision prise cinq jours en amont de la Marche, le 15 juillet 2019, par le Procureur du Parquet de Pontoise : réquisitionner tous les véhicules sur les chemins de Beaumont « aux fins de rechercher, les auteurs de : actes de terrorisme, infractions en matière d’armes et d’explosifs, infractions de vol, de recel, faits de trafic de stupéfiants ».

Décision de réquisition du Procureur de Pontoise le jour de la Marche pour Adama III. ©LaMeute-Jaya

Une manifestante dénonçait un « fichage » des personnes présentes dans le car sur Twitter :

Source : capture d'écran Twitter.

« Un évènement sujet à tensions » pour les forces de l’ordre

Un manifestant à bord de l’un des bus arrêtés, détaille au site Révolution Permanente que les 7 à 8 policiers de la gendarmerie menaçaient d’immobiliser le véhicule pendant « 4h si la totalité des personnes présentes dans le bus refusaient d’accepter le contrôle d’identité ». Cette opération de contrôle d’identité a bien évidemment retardé l’arrivée des autocars en gare de Beaumont et donc, le départ de la Marche. De plus, tous les passagers du bus venant de Gare du Nord ont vus leur identité être relevée, enregistrée

Pierre, manifestant à bord du bus, raconte: “ils n’ont pas vraiment posé de questions aux passagers du car, ils ont juste demandé à contrôler l’identité de tout le monde. Ils ont semi-explicitement dit qu’ils étaient là pour faire des contrôles en amont de la Marche pour Adama. En gros, ils en ont parlé comme d’un événement sujet à tensions... et ils ont expliqué être là pour faire des contrôles en amont de la manif : vérifier s’il y avait une présence d’armes, d’explosifs ou de personnes interdites de manifester.” -
Sur Facebook, le militant des quartiers populaires et membre du Comité pour Adama, Youcef Brakni, rappelait que c’est le même parquet qui « a entravé la manifestation de la vérité sur la mort d’Adama Traoré et placé les frères Traoré en prison ».
Rappelons que le précédent procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pontoise, Yves Jannier, a été muté suite à une «communication mensongère » sur la mort d’Adama Traoré. C’est lui qui avait tenté d’étouffer l’affaire en évoquant d’abord une « infection très grave touchant plusieurs organes », puis une « pathologie cardiaque » après avoir osé parler d’un décès « à la suite d’un malaise » sans « aucune trace de violence ». Aujourd’hui avocat général près la cour d’appel de Paris, il a depuis, demandé à faire valoir ses droits à la retraite à compter de janvier dernier.
Trois ans plus tard, le nouveau procureur de Pontoise, Eric Corbaux, signe une décision de réquisition qui s’étalait justement de 14 à 18h, le temps de la Marche pour Adama. Forcément, les participant.es à la Marche ne peuvent pas s’empêcher d’y lire plus qu’une coïncidence.
Pour le parquet de Pontoise, il n’y a rien d’anormal à cette décision. Il invoque la sécurité publique pour justifier le déploiement des forces de l’ordre : « ces réquisitions sont systématiquement émises en cas de regroupement de plusieurs centaines de personnes quelqu’en soit le motif ».

« C’est un dispositif disproportionné qui est mis en place à chacun de nos événements »

“Nous on a tout fait comme les autres années." s'étonne Youcef Brakni, membre du Comité Adama. "On a eu rendez vous avec la préfecture et on a prévenu que des cars allaient arriver, c’était calé ! On avait également négocié que les gendarmes déployés ne soient pas visibles.” C’est dans les mains des gendarmes qu’Adama Traoré est mort il y a trois ans. “Le 20 juillet nous avons pris connaissance de cette décision de réquisition. Ça nous a étonné d’autant que toutes les Marches précédentes et tous les événements que nous organisons depuis trois ans se sont toujours bien déroulés !” poursuit Youcef Brakni.

Pour le comité, cette décision émanant du parquet de Pontoise et allant à l’encontre des négociations avec la préfecture se place dans la continuité de “l’acharnement” que vit la famille Traoré depuis le 19 juillet 2016. “Eux vont dire qu’ils font juste leur travail. Mais pourquoi lors des Marches précédentes il n’y a jamais eu un tel dispositif ?” lance rhétoriquement Youcef. “Ils savaient qu’il y aurait du monde et ils voulaient entraver la manifestation au maximum. Ils savaient que cette année la mobilisation serait inédite ! Même les trains... c’était super facile de partir de Beaumont mais par contre pour s’y rendre il fallait prendre trois transports différents. C’est évident que si le train avait été direct comme à son habitude il y aurait eu encore plus de monde.”

“Eux vont dire qu’ils font juste leur travail. Mais pourquoi lors des Marches précédentes il n’y a jamais eu un tel dispositif ?”

Le jour de la Marche toute entrée vers Beaumont était quadrillée ! On aurait dit une ville en état de siège !” dénonce Youcef Brakni. “En fait c’est un dispositif disproportionné qui est mis en place à chaque événement... avec la volonté de nous intimider.

Volonté d’entraver la Marche et acharnement sur la famille, c’est ainsi qu’est perçue cette décision de réquisition, qui n’est pas la première décision surprenante lors d’un événement organisé par le Comité pour Adama.
Cette présence militaire en parallèle d’un événement organisé dans le quartier de Boyenval rappelle celle du 28 avril 2018: cinq militaires de l’Opération Sentinelle débarquaient sur le terrain de foot du quartier d’Adama. Ils avaient été envoyés patrouiller aux côtés de gendarmes de l’Oise alors que le Comité organisait un événement de loisirs pour les enfants du quartier autour de la boxe, avec notamment la présence d’Aya Cissoko. La cellule relations médias de l’Etat Major des Armées avait alors justifié cela en expliquant que « leur présence n’était pas liée à la nature de l’évènement mais à leur mission de protection des citoyens aux côtés des forces de sécurité intérieure ».

Pour les habitants de Boyenval, ce n’était qu’un « acharnement » de plus. Tout comme samedi dernier.

©LaMeute - Jaya

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