[Compte-rendu d'audience] - Antonin Bernanos reste libre, sous contrôle judiciaire

[ANTONIN BERNANOS RESTE LIBRE, SOUS CONTROLE JUDICIAIRE]
Palais de Justice de Paris
29.10.2019
©LaMeute -Naje-

 

Ce mardi 29 octobre, l’audience en appel d’Antonin Bernanos, militant antifasciste, a maintenu sa liberté conditionnelle, en lui permettant de revoir son frère et en réduisant de 7000 euros son cautionnement. En revanche, la Cour a également maintenu de nombreuses et pesantes contraintes sur le jeune homme.
LaMeute était présente. | RÉCIT D’AUDIENCE et photos en fin d’article

La détention se termine pour le militant de l’Action Antifasciste Paris-Banlieue(AFA), Antonin Bernanos, libéré sous contrôle judiciaire ce matin. « C’est bon tu peux le voir ! » cette phrase enjouée a été prononcée au moins une dizaine de fois en direction d’Angel, le frère d’Antonin, après que le juge a retiré son nom des personnes qu’il n’avait plus le droit de voir. Au sortir de la salle d’audience, les sourires sont sur toutes les lèvres, les étreintes se multiplient et c’est un tonnerre d’applaudissements qui accueille Antonin, son frère et sa mère, Geneviève Bernanos.

À 8h00, un groupe de soutiens, d’âges variés, s’était formé devant le TGI de Paris, sur l’Île de la Cité où se tenait l’audience en appel du jeune homme de 25 ans. Parmi elleux, de nombreux.ses antifascistes, des membres du collectif ACTALibérons-Les ou encore le postier Gaël Quirante, l’étudiant Victor Mendez et le politologue Julien Salingue.

Dans la (très) petite salle d’audience, seulement une dizaine de personnes est autorisée à prendre place sur les bancs. Le Président de la Chambre d’instruction est entouré de 2 autres juges-conseillers pour statuer sur la remise en liberté conditionnelle en appel du militant antifasciste.
En août déjà, une remise en liberté sous contrôle judiciaire avait été accordée à Antonin par le JLD (Juge des Libertés et de la Détention), avant que le parquet ne fasse appel de cette décision - décision infirmée par la Cour d’appel de Paris qui reconduisait alors l’incarcération d’Antonin jusqu’au 17 décembre 2019.
Cette fois, le JLD, Charles Prats, largement critiqué pour sa prise de partie publique contre le mouvement antifasciste dont il qualifie les participant.es de « nervis d’extrême gauche », a conditionné cette remise en liberté lourdement, comme le dénonce l’AFA:

  • « au cautionnement du montant délirant de 10 000 €, fait rare en dehors des affaires de droit financier, assumé à demi-mot comme une volonté d'attaquer les diverses formes de solidarité et de dons qui se sont exprimés durant la campagne de soutien de ces derniers mois.

  • à une assignation à résidence loin de la région parisienne où Antonin et ses proches résident et où il suit ses études.

  • à une interdiction de manifestation alors même que l'affaire pour laquelle il est mis en cause ne s'inscrit aucunement dans le cadre d'une manifestation.

  • à une obligation de « soins psychiatriques » qui est une vieille manière d'individualiser la lutte sociale et de lui assigner un caractère pathologique. »

Le collectif LIBERONS-LES publiait un rappel des faits dans son communiqué du 24 octobre dernier :

Soutien à Antonin Bernanos et aux militant.e.s antifascistes inculpé.e.s


Le 15 avril 2019, une confrontation a opposé des militant.e.s antifascistes aux fascistes de Génération Identitaire, des Zouaves Paris et de la Milice Paris. Expulsés de la rue, les fascistes ont porté plainte, ce qui a conduit à la mise en examen de militants antifascistes et à l'incarcération de l'un d'entre eux, Antonin Bernanos.

Pendant plus de six mois, Antonin a subi un véritable acharnement judiciaire de la part de l'institution judiciaire et de l'administration pénitentiaire. Malgré l'absence totale d'éléments à charge contre lui, Antonin a été maintenu en détention par les appels systématiques du parquet de Paris pour contrer les ordonnances de mise en liberté prononcées à plusieurs reprises par la justice.

Le 24 octobre, le juge des libertés et de la détention, Charles Prats, a ordonné la libération provisoire d'Antonin, dans un contexte où l'instruction était bien incapable d'apporter le moindre élément nouveau, du fait de l'incompétence prononcée de la juge d'instruction et du vide flagrant de ce dossier. Charles Prats, magistrat dont les positions réactionnaires et la haine des antifascistes ont été révélées dans la presse, a conditionné, entre autre, la libération d'Antonin :

- au cautionnement du montant délirant de 10 000 €, fait rare en dehors des affaires de droit financier, assumé à demi-mot comme une volonté d'attaquer les diverses formes de solidarité et de dons qui se sont exprimés durant la campagne de soutien de ces derniers mois.
- à une assignation à résidence loin de la région parisienne où Antonin et ses proches résident et où il suit ses études.
- à une interdiction de manifestation alors même que l'affaire pour laquelle il est mis en cause ne s'inscrit aucunement dans le cadre d'une manifestation.
- à une obligation de « soins psychiatriques » qui est une vieille manière d'individualiser la lutte sociale et de lui assigner un caractère pathologique.
Une fois de plus, les antifascistes sont la cible d'un acharnement judiciaire qui s'inscrit dans la criminalisation croissante des mouvements sociaux. Alors que les derniers mois ont rappelé l'importance de l'antiracisme au sein de nos combats, mobilisons-nous dans la rue et tous les espaces de lutte pour renforcer nos solidarités et nos alliances face à la répression !
Nous en appelons aujourd'hui à votre contribution financière pour aider les antifascistes à faire face aux nombreuses dépenses qui ont déjà été faites (frais d'avocats, frais liés à la détention, frais logistiques...) et qui restent à faire jusqu'au procès. : https://www.lepotcommun.fr/pot/mz9rjmn6 "

NDLR : la juge d’instruction, S. Kheris, avait été jugée pour avoir antidaté un document en mai 2018. Après avoir bénéficié d’un non-lieu, elle avait été retraduite en appel en mars dernier. Cf : https://cutt.ly/TecibBH

Vendredi dernier, Antonin sortait de détention provisoire ; il était incarcéré depuis le 18 avril 2019 suite à une bagarre entre militants antifascistes et militants d’extrême-droite (de Génération Identitaire, des Zouaves Paris et de la Milice Paris), le 15 avril 2019. Antoine Oziol de Pignol, militant d’extrême droite, porte plainte pour « vol avec violences » contre Antonin qu’il estime avoir reconnu dans la rixe sans toutefois affirmer qu’il lui a porté des coups... Antonin est placé en détention le 18 avril, (« le seul à avoir été incarcéré de toute cette affaire » expliquera-t-il au sortir du Tribunal) alors que s’achevait sa liberté conditionnelle huit jours plus tôt, pour une affaire datant de 2016 - celle dite « du Quai de Valmy ».

Malgré lui, Antonin Bernanos est devenu une figure très médiatisée de l’antifascisme parisien au moment des mobilisations contre la Loi Travail en 2016 et de « l’affaire du Quai de Valmy » pour laquelle il avait purgé sa peine (5 ans de prison dont 2 avec sursis) bien qu’il ait toujours nié les faits qui lui étaient reprochés. La confrontation d’avril 2019 vient à nouveau le frapper, lui.
Ses proches dénoncent un « procès politique ».

Après un rappel des faits et une lecture des procès-verbaux, le juge rappelle que la partie civile a désigné Antonin Bernanos, qui conteste sa présence sur les lieux, « sans pouvoir dire s’il avait porté les coups ou non. » L’avocate générale prend la parole pour requérir un retour en détention estimant qu’Antonin Bernanos est dangereux et que sa liberté représente un « risque de concertation frauduleuse, de pression sur les témoins et les victimes », « un risque de renouvellement des faits » (« le risque n’existe pas moins parce qu’il se trouve en Loire Atlantique » s’exclame-t-elle) en appelant à la « logique de la Justice. »

« Mais quels faits ? » s’exclamera Me Arié Alimi, avocat de la défense, faisant référence à la légèreté du dossier. Après avoir souligné par deux fois l’honneur d’avoir Antonin à ses côtés (et non derrière les vitres d’un box), l’avocat pointe la lenteur de la Justice et l’inconsistance du dossier : « Cela fait 6 mois et demi et rien n’a changé. Rien ne changera car il n’y a rien dans ce dossier. » Il rappelle les conditions d’enfermement extrêmement difficiles d’Antonin, placé en isolement médiatique à la Maison d’Arrêt de Fresnes puis déplacé à la Maison de la Santé de Paris, avec des parloirs restreints à la famille et la systématisation des fouilles intégrales. Faisant référence aux propos de l’avocate générale, Me Alimi poursuit : « il y a une obsession à l’égard d’Antonin Bernanos car le Ministère Publique le considère comme un danger fantasmatique ! »

Poursuivant son plaidoyer, il s’attarde sur « un principe fondateur du code pénal, la présomption d’innocence » qui « semble bafouée dans cette Chambre. On ne peut pas dire que M. Bernanos va réitérer les faits, sans violer la présomption d’innocence ». Le Président de la Chambre d’Instruction l’invite immédiatement à modérer ses propos. Me Alimi détaille : « Dire qu’Antonin Bernanos a été interpellé 3 rue d’Assas, c’est faux. Les traces de sang sur ses chaussures –non placées sous scellées- c’est faux. Il n’y a rien dans ce dossier ! » avant de revenir sur les violences racistes des groupes d’extrêmes-droite et de rappeler, une nouvelle fois, que, même dans sa déclaration, la victime d’extrême-droite ne dit pas qu’Antonin l’a frappée mais qu’il pouvait « simplement faire partie du groupe » .
« Et c’est pourtant ce qui lui est reproché aujourd’hui ! » .

Visant un allégement de ce contrôle judiciaire très sévère, l’avocat plaide pour l’abandon de ce cautionnement, énormissime au vu de la situation financière d’Antonin qui est étudiant; puis, il remarque la contradiction du JLD dans l’obligation de résider en Loire-Atlantique et d’informer la justice s’il veut quitter le territoire. De même que l’interdiction de voir son frère alors qu’il se voyait au parloir depuis 6 mois.
« Un retour en détention serait dramatique» souligne l’avocat en se référant aux brillantes études de sociologie d’Antonin à l’EHESS (Ecoles des Hautes Etudes en Sciences Sociales) et en s’appuyant sur les lettres de soutien de ses professeurs. « Il y a un moment, il faut arrêter de se tromper de ressort. Il y a une frontière qui ne doit pas être franchie quand on entre dans un palais de Justice : celle de la Justice et du politique. La Justice ce n’est pas l’instruction d’un ordre certain. » C’est sur ces mots de Me Alimi que l’audience est suspendue.

Dans les couloirs, la tension est présente en attendant le délibéré. Finalement, après une petite quinzaine de minutes, la Cour maintiendra donc la remise en liberté d’Antonin avec toutefois un contrôle judiciaire sévère : s’il peut revoir son frère, 3 nouvelles personnes sont ajoutées à la liste des 3 autres avec qui Antonin ne peut plus échanger. « Vous m’avez interdit de voir des personnes non-incriminées » relève Antonin au Président qui lui répond : « Ça, on peut dans le cadre de la loi. »
Antonin est également assigné à résidence (il doit remettre son passeport aujourd’hui), en Loire-Atlantique dans un logement secondaire familial, où il doit pointer au commissariat. Autre chose étonnante, Antonin est interdit de manifestation pendant un an : « Alors que je n’ai pas été arrêté dans le cadre d’une manifestation » soulignera-t-il devant des journalistes. Le traitement psychiatrique est maintenu...

Mais l’autre bonne nouvelle c’est le cautionnement qui passe de 10 000 euros à 3000. « C’est des petites victoires ! » s’exclame Antonin sur les marches du Palais de Justice. « Maintenant , il y a la suite de la procédure qui va durer longtemps et va coûter de l’argent. Depuis le début, il n’y a pas grand chose dans l’affaire, je n’ai été entendu qu’une fois. C’est très probable que la juge fasse durer le plus longtemps possible l’instruction, sur des mois voire des années, pour contraindre la mobilisation. Il y a une volonté de la justice de faire des exemples en mettant des contraintes aux militant•es Mais la lutte continue et la rue on va la tenir contre toutes ces violences d’Etat ! » conclue-t-il avant de rejoindre ses ami.es, dans un sourire.

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