Grève du 27 janvier : À Paris, la manifestation des non-résigné-es

Une foule hétéroclite de 20.000 personnes a défilé dans les rues de Paris, jeudi 27 janvier 2022 lors d'une journée de grève pour la hausse du salaire minimum. Mobilisé-es dès l'aube, iels ont été rejoints par les lycéen-nes de la capitale, qui ont étincelé un cortège éparpillé, mais motivé pour la suite.

Reportage

"Le climat est loin d'être atone", rassure le syndicat Solidaires sur une petite scène disposée sur la place de la Bastille. Avec une pandémie qui n'en finit pas, et une pré-campagne présidentielle hors-sol, l'intersyndicale récite les raisons de lutter : la précarité étudiante et ses files interminables devant les distributions de denrées alimentaires, l'écart des salaires hommes/femmes qui perdure tellement qu'il finit par faire partie de notre patrimoine, la fortune des plus riches qui, elle, s'envole pour atteindre des sommets selon un récent rapport de l'ONG Oxfam.

A Paris, ce jeudi 27 janvier 2022, environ 20.000 personnes ont fait grossir les rangs d'une manifestation appelée par les syndicats CGT, FO, FSU, Solidaires, Fidl, MNL, Unef et UNL. Seule la CFDT n'était pas de la fête. Leur présence n'a toutefois pas manqué aux grévistes du jour, qui ont rapidement été rejoints par les lycéen-nes alors que la manifestation s'élançait dans les rues de Paris, direction le Ministère de l'Economie et des Finances.

Dans le cortège, plusieurs salles, plusieurs ambiances

A 14h, pourtant, la manifestation s'annonçait un brin classique : des ballons de syndicats qui égayent un ciel hivernal, une sono à la playlist dansante, un Service d'Ordre paré. Seules les affiches des candidats à l'élection présidentielle -qui pullulaient un peu partout le long du parcours- venaient marquer le passage à la nouvelle année.

Et puis, quelques signes de main, un déplacement collectif, et c'est finalement les lycéen-nes parisien-nes qui ont pris la tête du cortège du jour, donnant un peu d'épaisseur à la mobilisation.

Certain-es avaient participé aux blocus matinaux en soutien à la mobilisation du personnel de l'Education National, en grève déjà le 13 janvier dernier. D'autres non, mais se sont précipité-es sur le cortège parisien, choqué-es par la répression et l'arrestation d'au moins quatre mineurs seulement quelques heures plus tôt. 

C'est le cas de trois jeunes filles en classe de Terminale au lycée Montaigne de Paris qui regardaient avec envie la mobilisation des autres lycées sur les réseaux sociaux. "On avait envie de participer à la manifestation car nous sommes toujours les dernières au courant de ce qui nous concerne. C'est notre futur qui est en jeu", annonce l'une, soutenue par ses amies qui acquiescent vivement. Elles citent d'emblée "la pression incroyable autour de Parcours Sup", le protocole sanitaire ou encore, "le manque de communication autour des épreuves du BAC" qui devaient avoir lieu à la mi-mars d'après les utopistes du gouvernement. Comme pour leur donner raison, le Ministère de l'Education vient d'annoncer qu'elles auront finalement lieu en mai.

Mobilisation pour le climat, mouvement des gilets jaunes et lutte contre les violences policières : les lycéennes n'ont encore pas les diplômes mais s'émeuvent des combats à mener. Dans le cortège de tête, les slogans antifascistes et visant la police sont scandés avec fougue.

Forcément, à l'arrière, certain-es désapprouvent -tant les slogans que la place prise par les jeunes. Mais au sein du cortège, le désamour envers Jean-Michel Blanquer réunit finalement la foule.

Le Ministre à Ibiza finit d'ailleurs par apparaître, lors d'un happening dansant. Deux-trois personnes continuent de râler. Les autres se réchauffent sur la chanson Free from desire.

Une nébuleuse de luttes

Dans un cortège fortement éparpillé, Jean-Michel Blanquer est présent un peu partout, sur les pancartes ou sur les murs. Et l'on se dit que, vraiment, il n'y a eu aucun Ministre pour rattraper l'autre durant ce quinquennat.

Si enseignants et AED formaient plusieurs blocs au sein du cortège, on pouvait également compter sur la présence d'autres secteurs actuellement mobilisés.

A l'image des libraires de la Fnac Saint-Lazare qui ont lancé leur mouvement le 8 décembre 2021 déjà -autour de la problématique du manque d'effectif et des cadences infernales. Depuis plusieurs semaines également, les sous-traitants de la Poste mènent une lutte contre Goliath pour demander leur régularisation. Ailleurs, les Sans-fac de Nanterre faisaient entendre leurs voix. 

Le monde de la Culture était particulièrement représenté. En plus de la Fnac, l'Opéra de Paris et la Bibliothèque Nationale de France déambulaient dans les rues. Là-bas, "un agent de catégorie C commence sa carrière en dessous du SMIC", s'alarme Caroline, bibliothécaire depuis plus de 20 ans. "Il y a des services qui manquent de personnel. On peut même parler d'un manque constant", se reprend-t-elle, un drapeau CGT à la main. Elle rêve d'une institution qui embauche mieux et plus, en prévision de la réouverture après dix ans de travaux du site rue Richelieu, plutôt que les huit CDD au programme. Et rêve également d'un mouvement social qui prendrait de l'ampleur. "Peut-être que ce n'est qu'un début", glisse-t-elle, songeuse.

A revoir d'ici et là, des visages communs qui nous avaient manqué -l'Orchestre Debout, le Book Club par exemple, on se dit également que le terreau est fertile pour une mobilisation par secteurs professionnels comme lors des grèves d’ampleur contre la réforme des retraites, et un cortège un peu plus uni, jeunesse et travailleur-ses main dans la main.

La manifestation a continué son chemin dans le calme, à l’exception de deux tentatives de parcours sauvage rapidement avortées. Le dispositif policier se voulait plus discret qu’à l’accoutumé -bien que des policiers en civil présents parmi la foule l’étaient bien moins.

©LaMeute - Mes

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La réalisation de ce reportage a nécessité 3 personnes et environ 9h de travail.

- Photos : Tulyppe

- Texte : Mes

- Relecture : Graine

- Mise en page : Mes

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